Alexandre Joseph ACCARIAS est le frère de mon arrière-grand-père, donc mon arrière-grand-oncle. Il est mon plus proche parent Mort pour la France au cours de la Première Guerre mondiale.
Il naît le 28 octobre 1897 à Tiaret, ville principale d’une importante région agricole du département d’Oran, en Algérie. Sa famille, de modestes cultivateurs, a traversé la Méditerranée une vingtaine d’années plus tôt. Il est le premier (ou peut-être le deuxième) d’une famille d’au moins neuf enfants — douze, selon la légende familiale (difficile de dresser une généalogie complète alors que le temps a passé et que les archives de l’époque coloniale n’ont pas été rapatriées). Il est baptisé en l’église Sainte-Madeleine de Tiaret le 12 novembre 1899.
Comme toute sa famille, il devient cultivateur.
En 1914, il n’a pas encore 17 ans lorsque la guerre éclate. A cette époque, le service militaire est obligatoire pour tous les jeunes hommes. Sa durée vient d’être augmentée, passant d’un à trois ans, afin de préparer l’armée française à l’éventualité d’un conflit. En temps normal, le recrutement a lieu l’année des vingt ans des conscrits, et leur incorporation intervient à l’automne de l’année suivante. Mais pour pallier les lourdes pertes subies sur le front et faire face à l’allongement de la durée des hostilités, l’armée a besoin de renforts. Ainsi, la classe 1917 est appelée par anticipation en janvier 1916.
Une photographie, conservée par une cousine, permet de mettre un visage sur ce nom. Sa fiche matricule donne des informations complémentaires : un mètre soixante-douze, cheveux châtains, yeux noirs, front et nez moyens, visage rond. Il ne sait ni lire ni écrire, contrairement à son père et à ses plus jeunes frères — difficile, sans doute, de trouver une école dans la campagne tiarétienne. Il n’est pas marié.
Il est incorporé au 88e Régiment d’Infanterie, en casernement à Auch et Mirande, dans le Gers. Le Général Galliéni, Ministre de la Guerre, prévoyait que le premier mois de l’incorporation serait consacré à la vaccination des jeunes soldats, puis qu’ils seraient entrainés « sagement, progressivement » pendant quatre mois pour être prêts à combattre dès le mois de mai. Mais en fait des quelques semaines d’instruction annoncées, il semble y avoir passé dix-neuf mois.
Le 27 août 1917, il part en renfort au 407e Régiment d’Infanterie (les changements d’unité étaient fréquents). Ce régiment occupe diverses positions dans l’Aisne et l’Oise et participe notamment à la troisième bataille de l’Aisne de mai à juillet 1918, ce qui lui vaut une citation à l’ordre de la Xe armée. De là, il est transféré en Alsace puis dans l’Aube, pour se préparer, à partie du 23 août, à une grande offensive dans la Marne, dans le secteur de la ferme de Navarin, à Sainte-Marie-à-Py. La bataille va durer quatorze jours et l’officier chargé de la rédaction du Journal des marches et opérations qualifie les pertes de « sensibles » : 13 officiers (4 tués et 9 blessés) et 750 hommes de troupe (101 tués, 356 blessés, 217 intoxiqués par des gaz de combat et 76 disparus).
L’attaque est déclenchée le 26 août au petit matin. Les événements du lendemain sont relatés dans l’Historique régimentaire du 407e RI :
Le 27 septembre, à 6h35, l’attaque reprend ; la 7e Compagnie du 407e RI s’élance à l’assaut d’une position extrêmement forte (les Rhénans) et parvient à s’y accrocher. Après un corps à corps terrible, les Rhénans sont enlevés à 11h50 par le 2e bataillon du 407e appuyé des chars d’assaut. Les cadavres qui jonchent le terrain témoignent de la violence du combat.
Vers 20h, le 1er bataillon du 407e atteint la tranchée Mannheim au sud de Sainte-Marie-à-Py.
Au cours de ce combat, vers 10h, Alexandre Joseph ACCARIAS est grièvement blessé par l’explosion d’un obus. Il est transporté à l’ambulance (poste de secours situé immédiatement en arrière des lignes) n°3 de la 65e Division, située au Mont Frenet, à une vingtaine de kilomètres. Son dossier médical indique qu’il souffre d’une plaie pénétrante de poitrine et d’un hémothorax gauche (épanchement de sang entre le poumon et la paroi thoracique). Il n’est pas opéré, sans doute parce que son état est trop grave et les blessés trop nombreux.
Il décède le soir-même, vers 20h, trente-et-un jours avant ses 21 ans et quarante-cinq jours avant l’armistice.
Il est enterré dans la nécropole nationale Le Mont Frenet à La Cheppe, créée à l’emplacement de l’ambulance 3/65.
Sources
– Fiche matricule militaire (en ligne sur le site des Archives nationales d’outre-mer)
– Dossier médical conservé par le Service des archives médicales hospitalières des armées (SAMHA)
– Assemblée nationale, séance du 30 novembre 1915 : Discussion du projet de loi relatif à l’appel sous les drapeaux de la classe 1917, audition du Général Galliéni (archive en ligne)
– Historique du 88e Régiment d’Infanterie pendant la guerre 1914-1918 (en ligne sur L’Argonnaute, bibliothèque numérique de La contemporaine)
– Historique du 407e Régiment d’Infanterie pendant la guerre 1914-1918 (en ligne sur L’Argonnaute, bibliothèque numérique de La contemporaine)
– Journal des marches et opérations du 407e Régiment d’Infanterie, 5 juin 1918-11 avril 1919 (en ligne sur Mémoire des hommes)
– La nécropole nationale Le Mont Frenet à La Cheppe (en ligne sur Chemins de mémoire)
– Musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux
Super travail
Merci 🙂